Mon Augustine

15 juin 2020





Il y a un mois, je vivais le jour le plus intense de toute ma vie. Nous le vivons ensemble avec Antoine. J’ai décidé il y a quelques jours de poser des mots sur cette journée. Pour que jamais ma mémoire ne me fasse défaut. Les mots peinent à manquer quand je repense à son premier cri, à ce que j’ai ressenti quand je l’ai vue pour la première fois, au-dessus du drap bleu. Les mots me manquent parfois mais l’émotion est là, présente. Un mois après et j’ai toujours du mal à réaliser que ça y est. Je suis maman. Nous sommes parents. 
Mon accouchement 

Toute la grossesse, on m’a dit que mon bébé serait un « gros bébé », qu’elle ne serait pas « grignette » … 
Lors du rendez-vous du 9èmemois, la sage-femme m’a demandé de revenir quelques jours plus tard pour évoquer la possibilité d’un déclenchement en fonction de mon col, du monito et de l’estimation du poids du bébé. 
Mercredi 13 mai 2020, 7h30 autrement dit beaucoup trop tôt, j’entre toute seule au service de maternité de l’hôpital de Villefranche, pendant qu’Antoine attends dans la voiture sur le parking, Covid oblige. On me fait un monito pour vérifier le cœur du bébé, elle n’arrête pas de gigoter, de passer d’un endroit à l’autre de mon ventre. Entre ça et la pellicule de gras de mon ventre, je suis toujours à la recherche de son coeur avec le monito.  Mon col, lui, est totalement fermé. L’échographie pratiquée par le gynécologue de garde montre un bébé de 4 kilos. C’est un motif suffisant selon lui pour me déclencher. Il est 9h et je sais alors que je ne quitterai pas cet hôpital sans mon bébé. C'est à la fois grisant et angoissant, excitant et perturbant. J'aurais bien pris mon temps encore. 
A 10h, Antoine me rejoint dans la salle de naissance, on me met un tampon de prostaglandine qui va agir pendant 24h, on m’installe un monito pendant 2heures. Et c’est le début de l’attente. Je monte dans une chambre ensuite, toujours accompagnée par chance d’Antoine. La chambre est adorable, un petit berceau est à côté du lit... Tout ça me parait à la fois irréel et en même temps très concret. Le début d'une nouvelle vie se profile devant nous. En fin d’après-midi, on m’examine le col qui n’a toujours pas bougé. Antoine part dormir le soir chez nous et je reste seule dans cette chambre, le petit berceau à côté de moi encore vide. 

On me réveille le matin tôt pour prise de tension, prise de sang, puis on m’examine le col à 10h. Rien n’a bougé. On décide alors de m’appliquer à nouveau de la prostaglandine, cette fois sous forme de gel.Je dois encore une fois attendre, cette fois seule, avec un monitoring. J'en profite pour trainer sur internet, et notamment acheter la magnifique robe de Charlotte Parfois. Elle a d'ailleurs été une des premières à savoir que j'allais bientôt devenir maman. Le monitoring fini, je repars en chambre avec Antoine. On attend encore toute la journée. Rien ne se passe. Le col ne bouge toujours pas. Le lendemain, on me dit que l’équipe se réunira et si rien n’a bougé d’ici-là, on avisera et on cherchera à accélérer les choses. Ce soir là, je vais me coucher tôt, pour la première fois soulagée de mes remontées acides qui me perturbent mes nuits depuis des semaines. Je me prépare à m’endormir, mes boules quies dans l’oreille pour ne pas entendre les bébés des autres, mon coussin de grossesse tout contre moi. Je suis prête à passer une dernière nuit complète avant bébé. Je ferme les yeux et là … je sens qu’un liquide chaud coule. A quasi 9 mois de grossesse, la première chose qui me traverse l’esprit n’est pas « j’ai perdu les eaux » mais … « Mon dieu, je me suis fait pipi dessus ! ». Je vais aux toilettes, le liquide chaud qui dégringole toujours entre mes cuisses. Et là je réalise que c’est du sang qui coule. Et une fois aux toilettes, un caillot de la taille de mon poing tombe dans les toilettes. D’un naturel angoissé, je reste étrangement sereine. J’appelle la sage femme de garde et l’informe calmement de ce qui vient de se passer. Elle débarque tout de suite dans ma chambre et m’examine aussitôt : le col n’a toujours pas bougé. Pendant ce temps, je suggère à Antoine de ne pas aller se coucher tout de suite. 
La sage-femme me descend en salle de naissance. Nous sommes jeudi 14 mai, il est 23h30. Elle remonte me chercher mon portable que j’ai oublié dans la précipitation pour que je puisse continuer de prévenir Antoine. Le gynéco de garde fait une échographie, pour vérifier que le caillot ne vient pas du placenta. Étrangement, tout le monde semble un peu inquiet … sauf moi. Je la sens bouger en moi, toujours. Je sais que tout va bien. Je sais qu’elle va bien. 
Il s’avère que ce n’est pas le placenta que j'ai perdu mais on n'en sait pas plus. Les saignements semblent s’atténuer, voir s’arrêter. 

Antoine arrive vers 1h du matin. On nous annonce qu’on va faire accélérer les choses avec des injections d’ocytocine, afin de provoquer des contractions. Ma dernière nuit de rêve, aka de sommeil, semble très loin maintenant. Avec Antoine, on se dit que d'ici la fin de la nuit, on tiendra sûrement notre bébé dans nos bras. La sage-femme de garde est absolument adorable. Elle vient m’examiner toutes les 2 heures à peu près. Pendant une bonne partie de la nuit, finalement rien ne change. J’alterne des phases de sommeil, Antoine est toujours à mes côtés. J’ai une pensée pour toutes ces femmes qui ont dû vivre ce pré-travail seule à cause du Covid. Je n’ose pas imaginer vivre ça toute seule. Les contractions commencent à arriver, les douleurs avec. Ce sont des douleurs de règle intenses au début. Je demande rapidement la péridurale, qui me shoote totalement. La fatigue m’abat complétement. L’équipe de nuit laisse place à l’équipe de jour. La sage-femme est aussi bienveillante et encourageante. Je suis rassurée d’être aussi bien entourée, surtout que mon col peine vraiment toujours à s’ouvrir. La journée passe, les douleurs s’intensifient. Ils me remettent une dose supplémentaire de péridurale. Je suis à nouveau abattue par la fatigue. Je n’arrive pas du tout à me projeter dans un accouchement tellement je suis épuisée. Entre chaque contraction je m’endors. La sage-femme m’informe que la tête de mon bébé est un peu sur le côté, et c’est ce qui peut éventuellement empêcher l’ouverture du col. Elle me demande de bouger, de rester mobile pour que le bébé puisse bouger un peu. Alors je bouge, d’un côté sur l’autre. Pendant ce temps-là, l’ocytocine continue de courir dans mes veines pour provoquer les contractions et faire venir ce bébé. Tout d’un coup, des douleurs intenses me prennent dans les jambes. Je n’ai jamais eu de douleurs comme ça, je commence à gémir, puis à hurler. Antoine se sent complètement impuissant, il me dit que je suis courageuse, j’essaye de penser à mes cours de préparation, je souffle et tente d’accompagner chaque contraction. Mais c’est tellement dur. Il est 19h, mon col est bloqué à 9,5. Rien ne change. La sage-femme est appelée sur des accouchements dans les salles d’à côté. J’ai entendu des bébés naitre toute la journée pendant que rien n’avance de mon côté. 
Je commence à ne plus en pouvoir, je me mets à pleurer. C’est tellement dur, tellement fatigant. Je n’arrive pas à imaginer pousser pour faire naitre ma fille tant la fatigue et la douleur me clouent au lit. Ils me remettent une dose de péridurale, mais ça ne fonctionne pas. Je ne sens pas de différence. J’appuie comme une folle sur la télécommande reliée à la perfusion. Rien ne change. Je n’ai rien mangé depuis plus de 24heures. J’ai envie de tout arrêter, je ne veux plus accoucher. Je veux laisser ma fille là où elle est, où je sens qu’elle est bien. Et je veux partir dormir. 

A 22h30, l'équipe décide enfin de me passer en césarienne. Je ne sais pas quoi en penser. Je suis à la fois soulagée de ne pas passer plus de temps à souffrir, soulagée de ne pas avoir à pousser et je suis à la fois triste de ne pas avoir réussi. Une fois sur la table d’opération, au moment de faire passer le produit anesthésiant par la péridurale, on réalise que la péridurale ne fonctionne plus, le cathéter a dû bouger, d’où les douleurs intenses ces dernières heures… On m’installe une autre voie à côté. C’est bon, je ne peux plus bouger les jambes, je ne sens plus rien. On installe un grand rideau devant mes yeux. Et c’est parti. Je sens que tout bouge, qu’on s’active au-dessus de moi. C'est une sensation très étrange, sentir que tout bouge, sans sentir la douleur. J’entends les instruments métalliques, ça me glace le sang. Une adorable infirmière me propose de mettre de la musique, je choisis Coldplay. Je me sens déjà mieux. Et là, le cri. J’aperçois ma fille. Un gros bébé joufflu. Mon dieu, ce bébé était dans mon ventre, c'est ma fille. On me la tend pour que je puisse l'embrasser. Je tremble un peu. Je lui murmure « mon amour de ma vie », on me demande si Antoine voulait faire du peau à peau. On lui apporte. Je reste avec ce regret de ne pas avoir vu son regard quand on lui a apporté sa fille. Devenir papa, c’était le rôle de sa vie. Je suis tellement triste de ne pas l’avoir vu devenir père. Mais tellement heureuse qu’il ait pu vivre ce moment privilégié avec sa fille. 

Et là tout commence ... 

Mon Augustine est donc arrivée vendredi 15 mai à 23h21. Elle est arrivée après 24h de travail intense, par césarienne. Elle est arrivée quand je n'y croyais plus, quand j'avais atteint un niveau d'épuisement jamais expérimentée auparavant. Elle est arrivée avec son cri et ses joues à croquer. Et j'ai connu alors l'amour intense, ce tourbillon d'émotion, cet ouragan de sentiments. J'ai connu cette peur immense qu'il lui arrive quelque chose...
Elle est arrivée à 23h21, et je l'ai laissée passer ses premiers instants de vie avec son papa car j'étais arrivée à un niveau d'épuisement tel que je n'imaginais même pas la porter dans mes bras.
Il aura fallu le retour en chambre pour qu'on me pose ma petite baleine sur moi, et pour que je puisse enfin la prendre tout contre moi, et tenter de la mettre au sein.

Et cette petite personne, cette petite étrangère est devenue alors le centre de mon monde.
Mon Augustine. Mon bébé. Mon amour de ma vie.
Mon Augustine. Déjà un mois de toi. Un mois de tes mimiques, un mois de tendresse, un mois de douceur, un mois d'allaitement, un mois de réveils nocturnes, un mois de tes petites mains qui enserrent nos mains, un mois de ta tranquillité, un mois de tes beaux yeux bleus, un mois où notre vie a pris un tout autre tournant, un mois où le mot "amour" a pris un tout autre sens.
Je t'aime. Pour la vie.

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