Après être
passée par tous les corps ( ou presque ) , j’ai remarqué une chose : minces ou gros, les gens peuvent nous considérer & se comporter avec nous très
différemment.
Je passerai
vite sur le côté fragile de la maigreur & qu’on n’ose toucher sous peine de
la « briser »… Un ex m’a dit il y a quelques années que la raison
pour laquelle il m’avait quittée était celle-là : il avait peur de me
« casser ». Passons sur l’idiotie de l’expression. Je ne me suis pas
cassée à ce moment, ni avant, ni après.
Bref. Les
premières fois où j’ai été voir des médecins en étant vraiment en surpoids.
J’ai eu la désagréable impression d’avoir fait quelque chose de mal, de devoir
avoir honte de l’état dans lequel je me présentais devant eux. On ne va pas
polémiquer une énième fois sur les dangers du surpoids, de l’obésité. Il existe
sûrement mais ce n’était pas spécialement la raison pour laquelle j’allais les
voir. C’était parfois une déprime, une gastro, une grippe ou encore … un besoin
de pilule. Et avant de trouver le docteur compréhensif, encourageant &
simple que je vois aujourd’hui, j’ai vécu quelques mauvaises expériences dans
les cabinets médicaux, et dans un en particulier : le gynéco .
Aller chez
le gynéco n’est jamais quelque chose d’agréable. La première fois que j’y suis
allée, je commençais tout juste ma relation avec mon copain actuel, il y a donc
5 ans. J’étais loin d’être grosse, mais quand même à 1kg de l’IMC «
surpoids » … Il n’en a pas fallu plus pour que le gynéco me refuse la
pilule sous prétexte que j’étais déjà assez « ronde comme ça » … Je
venais tout juste d’arrêter de me faire vomir & je dois avouer que j’avais
alors été vraiment très choquée.
Je n’y suis
du coup pas allée pendant 3 ans…. Mais
quand on est une femme, aller chez le gynéco est quand même chaudement
recommandé. De plus, ma diététicienne m’avait confié qu’elle pensait qu’il
serait intéressant que je consulte pour une suspicion d’Ovaires Polykystiques
qui empêcheraient une perte de poids significative puisqu’au vu de mes carnets alimentaires, rien n’indiquait
vraiment que je ne perde pas de poids.
Et puis le
cap des 3 ans avec mon copain méritait aussi un p’tit check-up.
J’y retourne
donc. J’avais presque oublié la petite phrase du dernier rendez-vous. Je
n’avais presque pas peur.
J’entre. A
peine bonjour. Il me détaille. J’ai oublié de dire que depuis le dernier
rendez-vous, j’avais pris entre 10 et 15 kilos. L’arrêt des vomissements, une
année seule à Paris 2 ans auparavant, mon corps que je ne maitrise plus aussi …
Bref j’arrive. Il me détaille et me demande de monter sur la balance. Je
m’exécute : on parlera de ce pourquoi j’étais venue plus tard hein, pas
grave …
Et
là une phrase assassine « Bon. Va falloir arrêter l’macdo hein. »
… Hein ? Quoi ? Pardon j’ai du mal entendre ? Je n’avais alors
absolument pas parlé de mes habitudes alimentaires ( & ce n’était PAS franchement macdo ). Et il enchaine sans me laisser le temps d’en placer une. «
Non mais j’crois que vous vous rendez pas bien compte. Dans 3 ans, vous allez
peser 100kilos. Et puis alors là pour maigrir après y’a la peau qui pend et
tout. A même pas 25 ans c’est quand même bien triste. » Après
plusieurs affirmations sur ce que je devais manger, sur le fait qu’il fallait
arrêter la sédentarité ( j’avais alors commencé la gym à peu près 4/5 heures
par semaine … ), il m’a alors dit « Mais heu, vous êtes toujours avec
votre ami ? Mais ça le dérange pas que vous soyez comme ça ? » …
Et là j’ai pensé à lui, très fort, à quel point il m’aimait, à quel point il s’était
battu pour que j’arrête mes vomissements, que j’avais fait le bon choix. J’ai
pensé à lui très fort pour me retenir de pleurer dans son cabinet. Et j’ai
juste dit « Oui. Et non. »
Ensuite, il
m’examine très rapidement. Je lui confie les préoccupations de ma diet. Il me
dit que non, aucun problèmes d’OP mais qu’en revanche, il va falloir
sérieusement PENSER à perdre ... ( Comme si ça ne m’avait pas encore
traversé la tête bien sûr … )
Je règle la
consultation, je pars et m’effondre dans la rue. Je me souviens d’ailleurs
avoir rejoint ma mère à la gym et avoir pleuré dans ses bras et dans les bras
de ma prof.
Je ne me
suis rarement sentie aussi humiliée. Je n’ai jamais eu aussi honte de mon
corps, honte de ce que j’étais. Et c’est d’autant plus dur quand c’est un
médecin qui me dit que mon corps ne vaut rien, qu’il est finalement à la fois
laid et en mauvaise santé.
Pour une des
premières fois de ma vie, je me suis sentie abandonnée par le corps médical,
comme si je ne méritais pas d’être soignée, comme si je méritais juste de survivre
en attendant de mourir du diabète ou d’un infarctus …
Vous allez
me dire : même les médecins ont le droit d’être cons. Ça c’est certain.
Mais j’ai toujours, naïvement certes, pensé qu’un médecin avait un certain
devoir au regard de son patient : devoir de respect, d’écoute, de
tolérance et d’ouverture … Tout ce dont il avait alors manqué à ce moment là.
Aujourd’hui ça fait 2 ans,
je suis en bonne santé, je suis musclée, toujours ronde & gourmande
mais je fais du sport, je mange équilibré et je maigrirai peut-être un jour …
ou pas. Mais je continue de vivre avec toujours au fond cette petite honte, la petite
voix qui me dit « si t’es comme ça, c’est de ta faute, tu fais forcément les
choses mal. Et puis ton mec pourquoi il est avec toi c’est vrai ? … »
Pourtant je suis très très loin d'être obèse morbide et ... j’ose à peine imaginer comment ce gynéco peut traiter
les jeunes femmes bien plus rondes que moi. Parfois ça m’fait mal de me dire qu’il
en a peut-être brisée une autre …ça m'fait mal de me dire que des tas de personnes sont lâchées par le corps médical pour leurs poids, ça m'fait mal de me dire qu'on refuse la pilule ET la FIV aux personnes obèses. Mais ce qui me fait le plus mal, c'est de savoir tous les dégâts qu'un médecin peut faire quand il manque de tact, de finesse, voir quand il est carrément grossophobe et que la personne en face se retrouve dans la culpabilité extrême vis à vis de son corps ...
J'ai eu mal mais maintenant ça va. Maintenant si j'ai mal c'est en pensant à tous ces hommes & femmes qui n'osent plus aller voir leur médecin pour des migraines, des douleurs, une grippe ou une gastro de peur de se faire juger.
Pour finir,
je ne suis bien sûr jamais retournée chez ce gynéco. La deuxième gynéco que j’ai
vu est adorable, a confirmé le
diagnostic d’un début d’OP & m’a mise sous pilule ...
Source photo :positivebodyimageinspiration.tumblr