J’ai honte
depuis que j’ai 7 ans. Honte de mon corps. Honte d’être moi-même. J’ai bientôt
28 ans. Plus de 20 ans de honte, c’est long, c’est épuisant.
Je blogue
depuis plusieurs années et je côtoie des personnalités du bodypositive depuis
quasi autant d’années. Pendant longtemps, j’ai tenté d’y croire sans y arriver.
Je trouve le
corps féminin beau, merveilleux. La diversité est une richesse. Les soi-disant « défauts »
des unes sont pour moi des pépites, des merveilles qu’il faut chérir et
préserver. Et je pense comme ça, pour les autres, depuis que je suis enfant. C’est
étrange quelque part mais j’ai toujours une fascination pour les rondeurs chez
les femmes, depuis que je suis petite fille. Peut-être que c’était en réaction en opposition
à ma maman fluette. Je ne sais pas.
J’aimais les courbes féminines, mais j’aimais aussi le nez crochu de mon
actrice préférée, j’aimais les yeux vairons de ma meilleure amie. J’aimais toutes
ces particularités.
Mais moi ?
J’aurais tout fait pour être dans les « normes ». Adolescente et
jeune adulte, j’ai longtemps voulu refaire mon nez que je trouvais trop long,
trop crochu, trop ceci trop cela. Je n'ai jamais aimé mon visage rond et joufflu. J’ai longtemps détesté mes yeux que je
trouvais trop grands, trop globuleux. Et évidemment, et ça vous vous en
doutiez, j’ai longtemps détesté mon corps. Et … je le déteste encore.Oui. Désolé de vous décevoir ...
J’ai honte
de ce corps depuis que j’ai 7 ans, depuis que j’ai réalisé que mon corps était
"trop gros".
Sale.
Dégueulasse. Horrible. C’est autant de mots dont j’ai pu me servir pour
catégoriser mon corps.
J’avais honte
d’être qui je suis, j’avais honte d’avoir été salie à une partie de ma vie. J’avais
honte d’être moi, j’avais honte d’être malade, en souffrance et aujourd’hui j’ai
honte d’être grosse. J’ai honte de mon poids alors que je m’élève pour que
personne n’en ait honte, alors que je passe des soirées à réconforter des lectrices
ou des abonnées qui ne se sentent pas bien dans leurs corps. J’ai honte de mon
corps alors que je prône le body positive et l’amour de soi. Mais j’ai honte. J’ai
honte et je suis en colère après moi de ressentir ça. Je suis en colère de n’accepter
aucun compliment, de toujours penser « c’est parce qu’ils m’aiment »
et de prendre pour vérité absolue lorsqu’un inconnu va me dire que je suis trop
grosse.
Aujourd’hui,
j’aimerais pouvoir me prendre dans mes bras. Et me dire que ça va aller. J’aimerais
me dire que disparaitre n’est pas une solution, que la dépression, c’est dur, c’est
difficile mais qu’il faut avancer, qu’un mariage m’attend, que des enfants m’attendent,
que mes élèves m’attendent, qu’une vie heureuse et épanouie est au bout de ce
tunnel.
J’aimerais
me dire qu’être grosse n’est pas le problème, mais la conséquence. J’aimerais
me dire que je n’ai pas à avoir honte, que c’est la personne qui m’a souillé
qui devrait avoir honte, qui devrait s’endormir tous les soirs en se répétant
quel être abject il est. Pas moi. J’aimerais me dire de sourire. De rester
droite, fière, entière.
Oui je suis
grosse, j’essaye de ne plus en avoir honte. Je vais essayer. Je vais y arriver.
Pour ne plus jamais m’effondrer. Pour ne plus jamais me faire vomir. Pour ne
plus jamais me rendre malade pour un idéal que je n’atteindrai jamais.
Oui je suis
grosse et un jour je maigrirai. Même si je ne serai peut-être jamais mince. Et
ce n’est pas grave.
Un jour je
maigrirai parce que je laisserai de côté toute cette honte, toute cette putain
de culpabilité qui s’accroche à mon corps.
Aujourd’hui
je suis grosse mais je suis épuisée de me détester. Je veux me regarder avec les
mêmes yeux avec lesquels mes amies me regardent, je veux me regarder avec la
même bienveillance et le même amour avec lequel je regarde les gens que j’aime.
Arrête d’avoir
honte. Vis. Avance. Mange sans culpabiliser. Dors sans réfléchir. Cours. Danse.
Avance encore plus loin. Saute plus haut. Ne t’arrête pas de vivre. Arrête de t’excuser
d’exister.
Allez. N'essaye plus. Fais-le.