Les Chatouilles. Sa douleur. La mienne. La vôtre.

19 novembre 2018





TW : viols, pédophilie, troubles du comportement alimentaires, suicide.

Hier, j'ai été au cinéma. J'ai été voir un film que je voulais voir dès que j'ai vu la bande annonce : Les Chatouilles, un film d'Andréa Bescond et Eric Metayer.
Ce film est l'adaptation d'une pièce de théâtre : Les Chatouilles ou la danse de la colère. C'est l'histoire d'une petite fille qu'un ami de la famille a violée toute son enfance. C'est l'histoire de sa vie adulte, de sa tentative de reconstruction. C'est l'histoire de ses souvenirs. L'histoire de sa douleur.
Ce film était ... d'une violence inouïe quand on l'a vécu soi-même, et en même temps je crois que tout le monde devrait le voir. Tout le monde doit savoir ce que c'est.  Tout le monde doit savoir que ça existe, dans tous les milieux, que la pédophilie n'a pas de visage, pas de style, pas de métier. On peut être bien habillé, réussir dans son métier et rentrer dans les chambres des enfants la nuit. Et tout le monde doit savoir qu'on peut s'en sortir. Que c'est possible.

Il y a quelques années, j'avais parlé de cette période de ma vie ici. J'avais supprimé l'article quelques temps après, par pudeur, parce que c'était trop violent encore, trop dur ...
C'est encore souvent dur. Je suis fière aussi quelque part d'avoir réussi à ne pas m'écrouler. Souvent, je me demande où est-ce que j'en serais si ça ne m'était pas arrivé. Je n'arrive pas à m'imaginer sans aucune douleur, sans aucune souffrance. Comme si elle avait fait toujours partie de moi et m'avait finalement construite.


Depuis toutes ces années, j'ai voulu me défaire de mon corps. Mon corps &; moi-même, j'en faisais une très nette distinction. Je n'étais pas mon corps. C'est moins douloureux sans doute plutôt que de s'avouer que quelqu'un l'a violé. Puisque oui, moi j'ai fait une amnésie partielle pendant de longues années, toute mon adolescence à vrai dire et le début de ma vie d'adulte. On appelle aussi cet oubli, un "déni".
J'ai fait du mal à mon corps dès l'âge de 12 ans avec des crises d'hyperphagie. Je ne savais pas vraiment pourquoi j'étais mal au point de vouloir manger en permanence, dès que j'étais seule. Et après, il y a eu l''anorexie et les vomissements qui ont abîmé un peu plus mon corps. Et les scarifications et les tentatives de suicide.
J'ai passé mon adolescence à haïr mon corps, à le détester, à lui faire du mal sans comprendre le sens de mes agissements.

Et à côté de ça, je voyais plus ou moins régulièrement cet homme-là car, comme très souvent dans ces cas-là, c'était quelqu'un de mon entourage familial. J'étais toujours très mal à l'aise à ses côtés sans savoir pourquoi. Et je revenais encore plus régulièrement sur le lieu des viols, puisque c'était une maison familiale de vacances, une maison que j'adorais, dans laquelle je croyais me sentir bien alors que mon corps me faisait sentir que je n'étais pas à ma place puisque j'y faisais des infections urinaires systématiquement.

Et un jour, j'ai rencontré une thérapeute qui m'a aidée à ouvrir les yeux. Et le brouillard devant mes yeux s'est peu à peu dissipé. Ça n'a pas été facile. C'était même un calvaire pendant plusieurs mois, à revivre les scènes, à jongler entre une plainte déposée, les ruptures familiales, la culpabilité de mes proches, la mienne aussi et ma vie qui continuait. J'ai aussi entamé un revirement étudiant pendant cette période. J'ai lâché mes projets de devenir psychologue pour devenir professeur des écoles. Une décision que je n'ai jamais regrettée ... Même si la préparation du concours a été une autre épreuve.

Aujourd'hui, je ne suis pas pleinement guérie de tout ça. Savoir est ma force et ma faiblesse. Je me suis d'ailleurs effondrée en pleurs plus d'une fois au cinéma quand j'ai vu ce film. Mon rapport au corps est toujours très complexe. Mon hypersensibilité est devenue à peine contrôlable. J'ai peur que mes futurs enfants vivent la même chose que moi et en ressortent brisés, cassés, en vrac.
Et pourtant, je me sens enfin en sécurité avec un homme que je vais d'ailleurs épouser. J'ai un job formidable et je réussis à me lever chaque matin parce que je suis heureuse de faire un métier où je peux être cette personne qui fait la différence dans la vie des enfants, ou en tout cas qui essaye. Et pas un jour ne passe sans que je rigole avec eux. Et ça c'est plutôt chouette.

On s'en sort, mais pas sans séquelles. 1 enfant sur 5. N'oublions pas les enfants d'hier, d'aujourd'hui, de demain. Faisons en sorte qu'il y en ait de moins en moins. Ouvrons les yeux sur cette réalité.
Des personnes de ma famille ont pris le parti du bourreau en me faisant passer pour folle. J'ai appris à me défaire de ça, et à garder uniquement les belles personnes, à accepter et à entendre que je suis la victime, et pas l'inverse.
Même si je ne suis pas que ça. Je suis mille fois plus que ça.




7 commentaires

  1. Bonsoir,

    Je viens de lire chaque mots. Je suis un mélange d'emotions, je suis émue, en colère, triste, impressionnée et admirative. Je ne comprends pas que l'on puisse faire ça à un enfant. Je ne comprends pas qu'on puisse prendre parti du bourreau. Je côtoie parfois au travail des enfants abuses, violés et je garderai en tête votre texte pour les (malheureusement) prochaines fois; pour leur expliquer que cela va être dur mais qu'ils vont s'en sortir, que ce n'est pas leur faute. Qu'ils sont de belles personnes, comme vous l'êtes.
    Je vous souhaite d'être heureuse, sur tous les points. Je suis persuadée que vous serez une mariée époustouflante, votre sourire l'est.

    Bonne continuation,
    Camille.

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  2. je n’ai pas les mots ... comment
    les avoir face à ce que tu écris et que tu as vécu. Je pense fort à toi.

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  3. Coucou, je comprend parfaitement ce que tu as pu traverser car moi aussi je l'ai vécue, sur mon blog et pour me permettre d'extérioriser d'avantage sur ce qu'il sait passer et ne plus souffrir de mes malheurs apres toute des épreuves j'ai écris un poème, je ne me sent pas mieux pour autant, mais je vis avec car il faut partie incessante de moi et à fais la personne que je suis aujourd'hui, tu as eu beaucoup de courage d'en parler sur ton blog, bon courage pour la suite ;)

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  4. Je t admire beaucoup de briser le tabou.je n imaginais absolument ce drame derrière ton blog et ton Instagram.sois fière de toi !et je te souhaite tres sincèrement,a toi qui a l âge d être ma fille,d apprendre à t aimer.nous faisons le même metier 😉

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  5. Je viens de lire ton article. Et comment dire, parfois c’est plus proche que la famille c’est un parent. Personnellement, mon père est violeur. Pas moi enfin je sais pas, j’ai peut être un déni parce que j’ai déjà fait ça pour des harcèlements sexuelles en 6eme je m’en suis rappeller que cette année j’ai 25 ans. Bref mais il a fait des choses sur ma sœur impardonnable et lui aussi a fait un déni de ce qu’il avait fait et ma compagne est aller jusqu’au tribunal à cause de son père qui l’a menacait avec un couteau sous la gorge pendant les sévices. Il n’a rien eu mais rien du tout. Une mesure d’éloignement. Sa mère a déménager que cette année. T’imagine vivre dans l’appartement où ça s’est passés ? Elle l’a fait pendant presque 10 ans. Sans parler des violences physiques qu’il fessait subir à toute la famille. Et le reste de la famille qui ne l’a jamais cru et qui ne l’a croit toujours pas. Sans parler des ponts coupés où elle ne voit plus ces neveux et nièce. Bon j'arrête Mon roman. Courage tu ne seras jamais seule tu sais

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  6. Salut ma belle,
    Merci d'avoir partagé ça .
    Je n'avais pas pleine conscience de ce qui t'es arrivé.
    J'arrive a percevoir beaucoup de choses après avoir lu cet article .
    Je voudrais te dire que tu es forte . Tu es certainement plus forte que beaucoup même si tu ne le vois pas ou que tu ne le sens pas .
    Il n'y a aucun hasard dans la vie, si aujourd'hui tu travaille avec des enfants ce n'est pas un hasard, quelque part c'est une mission inconsciente .
    Tes enfants ne vivront pas la même douleur parce que toi tu sera là pour les protéger les guider et leur faire confiance . C'est entre tes mains .
    Le chemin est long mais tu es déjà en train de le prendre, c'est dur mais à vaincre sans péril on triomphe sans gloire .
    tout mon amour

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  7. Whaou quel courage ! Je te suis depuis de nombreuses années et je n'avais jamais lu cet article... Je ne comprends que trop bien ces troubles alimentaires... Merci d'en parler à cœur ouvert et de rappeler l'importance d'en parler

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Merci pour vos p'tits mots. <3

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